21 juillet 2008
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(Couverture de l'une des éditions anglaises : The Club of Queer Trades
de G. K. Chesterton, avec une introduction de Martin Gardner - 1988)
de G. K. Chesterton, avec une introduction de Martin Gardner - 1988)
Lorsque nous avons évoqué Le Club des métiers bizarres (voir ICI), nous écrivions que nous n’avions pas retrouvé trace de la première édition française. En fait, celle-ci date de 1937. La préface de Pierre Mille, qui précède cette version française, nous en apprend un peu plus sur la traductrice, Kathleen St Clair Gray :
« Mlle St Clair Cray, écrit Pierre Mille, est écossaise – ne dîtes pas Anglaise, je craindrais qu’elle ne protestât ! – mais elle est devenue Française et “amante” si j’ose dire, de notre langue, de nos lettres, à un degré incroyable. À tel point qu’elle auraot composé cette introduction bien mieux que moi… Voici du reste un aute miracle auquel je voudrais bien que Chesterton eût songé pour nous l’expliquer à sa manière : de nos jours, il y a, ou il y eut, au moins deux éminents écrivains, deux poètes très purs nés en terre anglo-saxonne, Stuart Merril et Francis Vielé-Griffin, et un romancier de grand talent, M. Green, qui n’ont jamais pu vivre qu’en France, n’ont jamais écrit que le plus exact et le plus chaste français, alors que je connais pas mal de Français qui vivent en Angleterre et s’y plaisent, et s’y naturalisent, mais pas un seul qui s’y soit fait un nom dans les lettres anglaises. »


Concernant Le Club des métiers bizarres (ci-contre dessin de Chesterton illustrant la première histoire de ce livre), Pierre Mille tente dans sa préface introductive quelques explications :
« Cette thèse littérairement justifiable, en tous cas littérairement féconde, que c’est le contraire qui est vrai, ou du moins pourrait bien l’être ; que par conséquent, les apparences doivent être fausses ; que c’est l’irréel qui est réel, le réel irréel, peut suffire à vous donner la clef de ce Club des métiers bizarres, si surprenant et si amusant par son élément de systématique dédain du réel. Vous y retrouverez Chesterton en personne, se moquant de lui-même et se dépassant en se moquant. Vous y retrouverez le roman policier pris à l’envers. Vous y retrouverez dans le main du détective amateur qui se trompe toujours, même la canne à épée de la jeunesse de Chesterton. Vous y retrouverez la démonstration de ce que, si un fait paraît invraisemblable c’est qu’il est vrai ; si un personnage a l’air d’un incorrigible et perpétuel blagueur, c’est qu’il toujours la vérité. Vous y découvrirez, bien entendu, qu’il n’y a que les fous qui vendent la sagesse (…). Avez-vous lu quand étiez enfant, Alice au pays des merveilles, ce chef-d’œuvre que seule pouvait produire une imagination anglaise ? Le Club des métiers bizarres c’est Alice aux pays des merveilles écrit pour grandes personnes ».
On suivra évidemment Pierre Mille dans sa démonstration, mais tant qu’il reste dans le domaine littéraire. Lorsqu’il applique sa thèse – « c’est le contraire qui est vrai » – aux positions politiques de Chesterton, peut-être va-t-il un peu trop loin, en forçant le trait. Ainsi, il écrit : « naturellement Chesterton se déclare “pro-Boër” en donnant des motifs qui valent ce qu’ils valent ; en réalité parce que, puisque tous les Anglais pensaient “anti-Boër”, le sentiment inverse avait des chances d’être le bon. » C’est écrire depuis la France et ne pas voir qu’une position aussi légère eut été scandaleuse au regard du nombre de morts lors de cette seconde guerre anglo-boërs. La véritable raison, Chesterton l’a manifesté souvent et à plusieurs reprises, expliquant combien cette guerre impérialiste dénaturé le vrai visage de l’Angleterre en subvertissant le patriotisme anglais en un impérialisme belliqueux. Il retrouvait dans la réaction des paysans sud-africains la même vision patriotique que la sienne. Pierre Mille pousse donc un peu un art littéraire en clef d’explication d’une vie. Peut-être aussi parce qu'il est lui-même un chantre de l'empire colonial ?

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