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2 juin 2009 2 02 /06 /juin /2009 00:32

L’intérêt de Valery Larbaud pour Chesterton ne résista pas à la Première Guerre mondiale. Dans une lettre à Jacques Rivière datée du 16 octobre 1921, il prend un net recul vis-à-vis d’un auteur qu’il a aidé à faire connaître en France. Le 11 octobre 1921, Jacques Rivière lui avait demandé s’il acceptait de présenter pour la Nouvelle Revue française le dernier ouvrage de Chesterton traduit en français, La Sphère et la Croix. La réponse de Valery Larbaud, dans sa lettre du 16 octobre, est sans ambiguïté : « Pour le Chesterton, je ne veux pas m’en occuper. J’aimais beaucoup ce qu’il faisait, ses premières choses. Mais pendant 1914-1918 il m’a dégoûté : il a fait du bourrage de crânes ». (Correspondance Larbaud/Rivière, Éditions Claire Paulhan, p. 171). Ce sera Henri Géhon qui écrira cet article avec beaucoup de sévérité.

Dans la revue La Phalange, numéro du 15 décembre 1908, Larbaud avait consacré un article à l’auteur d’Orthodoxie sous le titre « Notes sur G.K. Chesterton ». On retrouve cet article reproduit dans Ce vice impuni, la lecture, domaine anglais. Puis il avait écrit l’introduction à la traduction des Paradoxes du christianisme par Claudel, publié par la NRF (1er août 1910) avant de consacrer à Chesterton un nouvel article dans le numéro du 20 octobre 1911. Mais dès 1914, il se montre agacé par l’auteur de L’Auberge volante. Son reproche ? Il trouve que chez Chesterton le romancier est trop « doctrinaire », ce qui le conduit à utiliser des allégories parfois peu claires pour le lecteur. Pendant la Première Guerre mondiale, il a certainement été agacé par Les crimes de l’Angleterre (1915) et la Petite Histoire de l’Angleterre (1917) qui ressemblent à des œuvres de propagande contre les Prussiens, explicables en partie par la situation mondiale. Dans son Journal, il revient à Chesterton à plusieurs reprises. Le vendredi 25 mai 1917, par exemple, il note, alors qu’il est à Alicante :

« trouvé dans les dernières nouveautés, une traduction de Orthodoxie de G.K. Chesterton par Alfonso Reyes. Ce livre était si joliment imprimé que je n’ai pu m’empêcher de l’acheter. J’ai donc relu, dans le tram au retour, quelques chapitres de cet ancien amour. Je l’apprécie encore beaucoup, bien que j’aie compris depuis où G.K. Chesterton voulait en venir. Sur le plan moral, il appartient à cette espèce d’hommes “peut-être utiles à leur façon, mais que doivent surveiller attentivement tous ceux qui attachent du prix à la liberté de la pensée et de l’individu de peur que l’occasion ne les transforme en persécuteurs de la pire espèce” (S.B. paraphrasé par Marcus Hartog dans son introduction à La mémoire inconsciente.) Pourtant G.K.C. est – du moins était quand il écrivit Les Hérétiques et Orthodoxie – plus pénétrant qu’il ne le pensait, et une bonne partie de ses propos dément catégoriquement ses propres conclusions. En fait, tout ce qui est “démolition” est magnifique ; mais sa “construction” est un échec – pas assez “catholique”. » (Édition définitive, Gallimard, p. 309).

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