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Chesterton à l’École nationale des Chartes

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Fâché avec les dates, évitant au maximum les sources et les archives, Chesterton n’aurait certainement pas fait un bon « chartiste ». Mais ainsi vont les choses. En mai dernier, il s’est retrouvé convoqué pour l’épreuve de version anglaise au concours d’entrée de l’École nationale des Chartes, en section A. Notre gros bonhomme d’écrivain devait plancher entre 13h00 et 16h00. À traduire, ce jour-là, en effet, un extrait des Father Brown Stories – et sans dictionnaire !

L’extrait proposé est le début d’une histoire intitulée : « The Queer Feet ». Elle se trouve dans le premier volume publié des histoires du father Brown : The Innocence of Father Brown. Voici l’extrait en question :

 

If you meet a member of that select club, "The Twelve True Fishermen," entering the Vernon Hotel for the annual club dinner, you will observe, as he takes off his overcoat, that his evening coat is green and not black. If (supposing that you have the star-defying audacity to address such a being) you ask him why, he will probably answer that he does it to avoid being mistaken for a waiter.  You will then retire crushed.  But you will leave behind you a mystery as yet unsolved and a tale worth telling.

 

If (to pursue the same vein of improbable conjecture) you were to meet a mild, hard-working little priest, named Father Brown, and were to ask him what he thought was the most singular luck of his life, he would probably reply that upon the whole his best stroke was at the Vernon Hotel, where he had averted a crime and, perhaps, saved a soul, merely by listening to a few footsteps in a passage. He is perhaps a little proud of this wild and wonderful guess of his, and it is possible that he might refer to it. But since it is immeasurably unlikely that you will ever rise high enough in the social world to find "The Twelve True Fishermen," or that you will ever sink low enough among slums and criminals to find Father Brown, I fear you will never hear the story at all unless you hear it from me.  The Vernon Hotel at which The Twelve True Fishermen held their annual dinners was an institution such as can only exist in an oligarchical society which has almost gone mad on good manners. It was that topsy-turvy product--an "exclusive" commercial enterprise. That is, it was a thing which paid not by attracting people, but actually by turning people away.  In the heart of a plutocracy tradesmen become cunning enough to be more fastidious than their customers. They positively create difficulties so that their wealthy and weary clients may spend money and diplomacy in overcoming them.

 

 

N’étant pas élève à l’École des Chartes, je me garderai bien de proposer une traduction personnelle de ce passage. Voici donc celle d’Émile Cammaerts que l’on trouve dans le recueil La Clairvoyance du Père Brown ainsi que dans le récent volume Omnibus : Les Enquêtes du Père Brown :

 

 

Les pas étranges

 

Si vous rencontrez un jour un membre du club des « Douze Vrais Pêcheurs », entrant au Vernon Hotel pour assister au dîner annuel de cette assemblée select, vous remarquerez, lorsqu'il enlèvera son pardessus, qu'il porte un habit vert. A supposer que vous ayez la stupéfiante audace d'adresser la parole à ce demi‑dieu, et que vous lui demandiez pourquoi il a adopté cette couleur, il vous répondra probablement que c'est afin de ne pas être pris pour un garçon de café. Vous vous retirerez confus. Mais vous passerez à côté d'un mystère digne d'être éclairci et d'une histoire digne d'être contée.

 

Si (pour ne pas quitter cette veine d'invraisemblables conjectures) vous deviez rencontrer un jour un doux petit prêtre, plein de zèle, répondant au nom de Père Brown, et si vous lui demandiez ce qu'il considère comme le plus heureux hasard de sa vie, il vous répondrait, sans doute, que la chance ne lui fut jamais aussi propice qu'un certain jour, au Vernon Hotel, où il put prévenir un crime et sauver une âme rien qu'en guettant un bruit de pas dans un corridor. Peut‑être s'enorgueillira‑t‑il quelque peu de la merveilleuse et invraisemblable divination dont il fit preuve à cette occasion, et peut‑être vous en donnera‑t‑il l'explication. Mais, comme il est peu probable que vous vous éleviez jamais assez haut dans l'échelle sociale pour découvrir le club des « Douze Vrais Pêcheurs », ou que vous descendiez assez bas, parmi les ruelles peuplées de criminels, pour rencontrer le Père Brown, il est à craindre que vous n'entendiez jamais conter cette histoire, à moins que vous ne me permettiez de le faire à présent.

 

L'hôtel Vernon, où les « Douze Vrais Pêcheurs » célébraient leur dîner annuel, était une de ces institutions qui ne peuvent exister que dans une société oligarchique affolée d'élégance. Elle en était même un curieux produit ‑ une sorte d'entreprise « fermée ». Autrement dit, une entreprise devenue fructueuse non pas en attirant le public, mais en l'écartant. Au sein d'une ploutocratie, les commerçants sont assez malins pour se montrer plus délicats que leurs consommateurs euxmêmes. Ils s'ingénient à créer des difficultés que leur clientèle riche et blasée ne peut surmonter qu'à force d'argent et de diplomatie.

 

 

 

Il semble que dans l'ensemble les étudiants ont obtenu des résultats honorables. Espérons qu'ils auront trouvé un peu l'envie d'aller plus loin et de lire le reste de (des) histoire(s).  Un grand merci en tous les cas à F.G.

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