Sous ce titre, les éditions de l’Age d’Homme viennent de publier un nouveau recueil d’articles de Chesterton dans leur nouvelle collection « Revizor ». Ce nouveau livre comporte 230 pages (12€) et se divise en cinq parties :
– la littérature en général ;
– Livres remarquables et écrivains ;
– Pensée et croyance
– Chez nous à l’étranger
– Le sel de la vie.
La tonalité générale de l’ouvrage, traduit par Maurice Le Péchoux, est clairement littéraire, mais l’auteur, à son habitude, prend facilement des chemins de traverse. Cet ensemble est précédé d’une sorte d’avant-propos qui est constitué d’un essai de Chesterton sur… l’essai, un article paru dans un volume intitulé Essays of the years 1931-32, publié par The Argonaut Press en 1932.
Ce nouveau livre est la traduction d’un recueil constitué après la mort de Chesterton par sa collaboratrice Dorothy E. Collins (The Spice of the Life, 1964, Darwen Finlayson, Beaconsfield).
La provenance de ces différents articles nous permet de saisir la variété des titres auxquels Chesterton a collaboré et de lire notamment des articles publiés dans New Witness (cinq articles) la publication de son frère Cecil Chesterton, ou dans le G.K’s Weekly (quatre articles). Les autres sources sont :
– The Speaker (un article) ;
– T.P.’s Weekly (un article) ;
– John o’London’s Weekly (un article) ;
– Daily News (cinq articles) ;
– The Listener (deux articles) ;
– The Academy (un article) ;
– The Torchbearer (un article) ;
– The Venture Annual (un article)
– The Illustrated London News (un article) ;
– New York American (un article) ;
– The Odd Volume Annual (un article).
Une autre origine des textes présents dans ce volume vient de la contribution de Chesterton à des livres collectifs, dont notamment :
– L’Encyclopedia Britannica (deux articles) ;
– Introduction à une édition illustrée du Roi Lear ;
– Introduction à une édition limitée des Fables d’Esope ;
– Contribution à une édition du centenaire préparé par la Brontë Society ;
– Contribution à An Outline of Christianitu, the Story of our civilisation.
L’édition française de ce volume indique pour l’essai sur les Macbeth deux origines. D’une part, l’Encyclopedia Britannica et d’autre part, John o’London’s Weekly. L’édition anglaise de 1964 n’indique quant à elle que le John o’London’s Weekly.
Tous les textes publiés dans ce volume ne sont pas inédits en langue française. Ainsi, par exemple, l’essai intitulé dans cette traduction « Comment écrire un roman policier » a été traduit par J.-F. Amsel et publié dans le volume Omnibus des Enquêtes du Père Brown (2008) sous le titre « L’art d’écrire une histoire policière » (pp 1107 à 1113).
Sous son aspect hétéroclite, ce livre de Chesterton nous offre des textes riches qui permettent de mieux aborder ce vaste continent qu’est l’œuvre de cet écrivain anglais. Chesterton, qui fut sans aucun doute un grand apologiste du christianisme, fut aussi un grand critique littéraire et il n’est pas risqué de le suivre dans l’exploration de territoires devenus souvent inconnus pour nous, alors qu’ils appartenaient au paysage de l’Anglais cultivé du début du XXe siècle et très souvent même, de tout Européen cultivé. L’impression de nouveauté et de découverte accompagne ainsi notre lecteur et rend paradoxalement Chesterton toujours jeune et séduisant. On en conviendra peut-être en lisant ce passage de l’essai sur l’essai :
« L’essai est la seule forme littéraire qui avoue, dans son nom même, que l’acte irréfléchi connu comme étant l’écriture est véritablement un saut dans l’inconnu. Quand des hommes essaient d’écrire une tragédie, ils n’appellent pas la tragédie un essai. Ceux qui ont peiné tout au long des douze livres d’une épopée, à l’écrire de leur propre main, ont rarement prétendu qu’ils avaient composé une épopée à titre d’expérience. Mais un essai, tant par son nom même que par sa véritable nature, est vraiment une tentative et vraiment une expérience. Un homme n’écrit pas vraiment un essai. Il essaie véritablement d’écrire un essai. Il en résulte que, bien qu’il existe maints essais fameux, il n’y a fort heureusement aucun essai modèle. L’essai parfait n’a jamais été écrit, pour la simple raison que l’essai n’a jamais été vraiment écrit. Les hommes ont tenté d’écrire quelque chose pour découvrir ce que c’était censé être. À cet égard l’essai est un produit typiquement moderne, plein d’avenir et à la louange de l’expérience et de l’aventure. Il reste en soi quelque peu évasif et je dois reconnaître que je suis poursuivi par le vague soupçon que l’essai va probablement devenir plus péremptoire et plus dogmatique, tout simplement à cause des divisions profondes et implacables que peuvent nous imposer les problèmes éthiques et économiques. Mais espérons qu’il y aura toujours place pour l’essai qui en soit vraiment un. Saint Thomas d’Aquin, avec son bon sens habituel, disait que ni la vie active ni la vie contemplative ne sauraient être vécues sans distraction, sous forme de plaisanteries et de jeux. Le drame ou l’épopée pourraient bien être appelés : vie active de la littérature ; le sonnet ou l’ode : vie contemplative. Quant à l’essai, c’en est la plaisanterie. »
Le livre est disponible en librairie bien sûr ou directement sur le site de l’éditeur. À ajouter à votre besace chestertonienne de fin d’année avec L’Église et la conversion. C’est le même Chesterton, mais sous deux facettes complémentaires.