Ce petit livre de 1926, dans lequel Chesterton analyse le phénomène de la conversion, en faisant quelques allusions à la sienne, vient de paraître aux éditions de l'Homme Nouveau. Il s'agit de la deuxième édition française. La première avait été publiée par la Bonne Presse (aujourd'hui éditions Bayard). Cette nouvelle édition, avec une traduction signée Gérard Joulié, est augmentée de deux chapitres sur le même sujet, constitués à partir d'articles de Chesterton. Le livre est disponible auprès des bonnes librairies ou sinon par le biais du site sécurisé de l'éditeur. Une bonne idée de cadeau de Noël.
Pour le découvrir, voici quelques extraits de la préface :
« Quand on lui demandait pourquoi il était devenu catholique, Gilbert Keith Chesterton répondait qu’il s’agissait au fond pour lui de se débarrasser de ses péchés. Dans son Autobiographie, il dressa ainsi l’éloge de la confession en indiquant que « quand un catholique revient de s’être confessé, il retourne vraiment, par définition, à cette aurore de son commencement ; il regarde le monde avec des yeux nouveaux ». Plus encore, il lui semblait que sa philosophie personnelle de la vie entrait vraiment en syntonie avec le sacrement de pénitence comme il le confia toujours dans le même livre : « L’idée maîtresse de ma vie, je ne dirais pas que c’est la doctrine que j’ai toujours enseignée, mais que c’est la doctrine que j’aurais toujours aimé enseigner. Cette idée, c’est d’accepter toutes choses avec gratitude, et non de les tenir pour dues. Ainsi, le sacrement de péni - tence donne une vie nouvelle et réconcilie l’homme avec tout ce qui vit ; mais il ne le fait pas comme font les optimistes, les hédonistes et les païens qui prêchent le bonheur. Le don est fait moyennant un certain prix ; il est conditionné par une confession. En d’autres termes, le nom de ce prix est vérité, qui peut être appelée aussi réalité ». D’ailleurs, la confession n’était-elle pas le secret de cet étrange personnage de roman policier que fut le Father Brown ?
Catholique romain, Chesterton le devint en 1922, après avoir été tour à tour anglocatholique, spiritiste, agnostique, païen et unitarien. « À douze ans, j’étais un païen, à seize un parfait agnostique », confia-t-il dans Orthodoxie. Son chemin vers la foi catholique fut long et difficile, chaotique même, tant l’homme était épris de justice et de vérité tout autant que méfiant des conventions sociales, notamment en matière religieuse. Ce fut le retour du monde moderne à la vérité catholique d’un homme souhaitant retrouver l’innocence de l’enfance : « Comme tous les autres petits garçons solennels, j’ai essayé d’être en avance sur mon temps. Comme eux, j’ai voulu devancer de quelque dix minutes la vérité et je me suis aperçu que j’étais en retard de dix-huit cents ans. J’ai forcé ma voix en une pénible exagération juvénile pour clamer mes vérités. J’en ai été puni de la manière la plus appropriée et la plus drôle : ayant gardé mes vérités, j’ai découvert non pas qu’elles n’étaient pas des vérités, mais qu’elles n’étaient pas miennes. Je percevais tout à coup le ridicule de m’être cru seul alors que j’étais soutenu par toute la chrétienté ».
(…)
Écrit dans un contexte protestant et scientiste, L’Église catholique et la conversion n’a rien perdu de son intérêt. Les objections contre l’Église sont toujours les mêmes, tant ses opposants manquent finalement d’imagination. Depuis plus de 2 000 ans, ils annoncent à grand renfort de trompette son échec et sa disparition pour demain. Elle est toujours là, non pas grâce aux catholiques eux-mêmes, mais en raison de ce qu’elle est substantiellement. Les raisons qui mènent à la conversion sont aussi toujours les mêmes, derrière l’écorce des causes secondes. Aujourd’hui comme au temps du Christ, il s’agit d’une rencontre personnelle avec celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie.
Sans entrer dans le secret des âmes, Chesterton explique dans ce livre les trois phases par lesquelles passent la plupart des convertis et il en fait une sorte de bouquet en l’honneur de l’Église. À sa manière, surprenante et truculente, profonde aussi, il rend grâce à Dieu d’être arrivé au port, à ce port auquel le petit enfant qu’il fut aspirait de tout son être et qui l’accueillit enfin à l’âge de 48 ans.
À L’Église catholique et la conversion, qui bénéficia à sa parution d’une préface d’Hilaire Belloc chargé, lui le catholique de naissance, d’indiquer la nécessité d’écouter les convertis, nous avons ajouté deux textes sur des sujets similaires. Dans le premier, Chesterton donne l’exemple de six raisons pour lesquelles il devint catholique, six raisons qui, comme il l’écrit, « se résolvent en une seule, qui est que le catholicisme est la vérité ». Le second constitue notamment une belle défense du pape en réponse à toutes les accusations plus surprenantes les unes que les autres lancées contre la papauté.
Philosophe de la gratitude, réaliste tout en voulant retrouver l’innocence, Gilbert Keith Chesterton a trouvé dans le catholicisme le secret de la vraie Joie. »
Philippe Maxence