L’un des buts de ce blogue, qui est l’une des vitrines de l’Association des Amis de Chesterton, est de présenter les ouvrages de Chesterton en suivant l’ordre de parution de ses livres en anglais. Nous sommes arrivés en 1915, pendant cette Première Guerre mondiale qui allait ravager l’Europe, engloutir un monde et des façons de vivre, pour déboucher quelques années plus tard sur une seconde boucherie planétaire.
En 1915, G.K. Chesterton publie The Crimes of England, un essai au titre profondément paradoxal quant à son contenu et quant au moment où il paraît. Alors qu’il avait été un adversaire farouche de la guerre contre les Boers, Chesterton se montre un défenseur tout aussi acharné de la guerre contre l’Allemagne. Son argumentation est très simple. La guerre contre les Boers était une guerre impérialiste, une guerre que l’on pourrait qualifier « d’offensive ». Celle contre l’Allemagagne est une guerre défensive : défense de la civilisation et défense d’un territoire envahi.
L’argument de défense de la civilisation peut paraître spécieux. Après tout, l’Angleterre et la France d’une part, l’Allemagne et l’empire austro-hongros d’autre part, appartiennent à la même civilisation européenne. C’est pour l’avoir oublié, nous semble-t-il aujourd’hui, que ces nations ont embrasé l’Europe.
Chesterton, lui, est persuadé qu’il s’agit bien d’une guerre de civilisation. Il en est tellement persuadé qu’il consacre toutes ces forces à le démontrer dans des livres comme La barbarie de Berlin, l’Appétit de la tyrannie ou Lettres à un ami garibaldien.
Dans Les Crimes de l’Angleterre, il repart sur le même thème. Mais cette fois-ci, il opère une sorte de retournement, bien dans sa façon de faire, en mettant en cause l’Angleterre elle-même. On aurait tort de penser qu’il ne s’agit que d’un effet stylistique.
De quoi accuse-t-il, en effet, l’Angleterre, son pays ? Tout simplement, d’avoir été le porte-parole de la Prusse, de sa politique et de sa philosophie. Le tournant historique de cette réalité, c’est, bien sûr, l’arrivée sur le trône d’Angleterre des Hanovre à la place des Stuarts, au nom de la préservation des acquis de la Réforme. Derrière l’Angleterre accusée, derrière la Prusse villipendée, c’est l’esprit de la réforme protestante que remet en cause Chesterton, à travers l’évocation du passé de sa nation. Il en donne lui-même une sorte de résumé au chapitre IV, intitulé « L’arrivée des Janissaires » :
« Dans les deux chapitres qui précèdent, j’ai esquissé la manière dont l’Angleterre, soit par accident historique, soit par fausse philosophie, fut entraîné dans l’orbite de l’Allemagne dont le cercle avait déjà son centre à Berlin. Je n’ai pas besoin de récapituler ici tout au long les causes de cet entraînement. Luther était à peine un hérésiarque pour l’Angleterre bien que Henry VIII le tînt pour un niais. Mais le germanisme négatif de la Réforme, son avance vers le nord, sa mise en quarantaine de la culture latine furent dans un sens le commencement de l’affaire. C’est ce que représentent bien deux faits : le refus barbare du nouveau calendrier astronomique simplement parce qu’il fut inventé par un Pape et la singulière décision de prononcer le latin comme s’il s’agissait de n’importe quoi, en faisant non pas une langue morte mais une nouvelle langue. Plus tard, le rôle joué par certaines royauté est complexe et accidentel ; “l’Allemand furieux” vint et passa ; les Allemands beaucoup moins intéressants virent et demeurèrent. Leur inflience fut négative mais non négligeable ; elle tint l’Angleterre à l’écart de ce courant de vie européenne où l’auraient emportée les Stuarts gallophiles. Un seul des Hanovriens fut activement allemand, si allemand qu’il s’enorgueillissait réellement du nom d’Anglais (de Briton) et l’écrivait mal » (pp. 100-102).
The Crimes of England parut en novembre 1915, à Londres, chez « C. Palmer & Hayward ». Il comprenait dans cette édition 127 pages. En 1916, il fut publié aux Etats-Unis, chez « John Lane Company » (voir photo) et comprenait 173 pages. L’édition française date de la même année. Traduit par Charles Grolleau, Les Crimes de l’Angleterre, fut publié par les éditions Georges Crès et Cie, dans la collection Varia. Cette édition comprenait 275 pages, dont une introduction de Charles Sarolea (pp 3-11) et un portrait de l’auteur (photo).
La table des matières est la suivante :
Introduction
1. Quelques mots au professeur Tourbillon
2. Le héros protestant
3. L’énigme de Waterloo
4. L’arrivée des Janissaires
5. L’Angleterre perdue
6. Hamlet et les Danois
7. Le minuit de l’Europe
8. Le mauvais cheval
9. Le réveil de l’Angleterre
10 La bataille de la Marne
Voici reproduit la table des matières de l’édition américain :
À suivre…