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30 octobre 2008 4 30 /10 /octobre /2008 01:11


On me pardonnera de revenir, j’espère, sur les rapports entre George Orwell et G.K. Chesterton. En fait, deux parutions m’y poussent, même si dans le fond, elles n’éclairent pas pour moi ce qui est une énigme : comment ces deux hommes qui défendirent les droits de « l’homme ordinaire » n’ont pu trouver un terrain d’entente ? En fait, cette énigme est celle des ressentiments d’Orwell vis-à-vis de Chesterton, lequel était mort au moment  où le premier arrivait enfin à se faire entendre en dehors des cercles étroits de la gauche britannique.  Je ne peux m’expliquer cette aversion d’Orwell que par l’emprise de l’idéologie, ce qui contraste fortement avec le portrait qu’en dressent habituellement nombre de ses actuels admirateurs.

Dans la biographie très intéressante, bien que vraiment très anglo-saxonne, de George Orwell, signée Bernard Crick que viennent de rééditer les éditions Flammarion (collection « Grandes biographies »), il est fait mention à quelques reprises de Chesterton.
À la page 223, on peut ainsi lire :
« Le 29 décembre 1928 parut sa première publication en anglais : “Un journal à deux sous”, dans le G.K.’s Weekly (G.K. Chesterton). C’était le récit ironique d’une tentative par la droite française de fabriquer un journal presque gratuit. »
On notera que l’ironie se trouve aussi ailleurs. Dans le fait que George Orwell, qui signe encore de son vrai nom (E.A. Blair) écrive dans le journal « distributiste » (ni socialiste, ni capitaliste) de Chesterton.
Bernard Crick, qui ne cache à aucun moment son admiration pour son sujet, a su cependant conserver une certaine distance critique. De ce fait, il ne cache rien de ce qui pourrait être considéré comme contraire à l’image d’Orwell telle qu’elle est véhiculée aujourd’hui. Je le cite (p. 314) :
« Orwell pouvait toujours raconter à Brenda Salkeld qu’il gardait ses distances avec ces socialistes qui auraient voulu le voir mort, mais il n’était guère convaincant, ni pour elle, ni pour Kay, à qui il avait affirmé que “ce dont avait besoin l’Angleterre, c’était de suivre le genre de politique prônée par le G.K.’s Weekly de Chesterton (une forme d’anticapitalisme et de “Joyeuse Angleterre” agraire et médiévale)”. Orwell savait que ce genre de retour en arrière était impossible, précisément à cause de la probabilité d’une guerre d’un type nouveau et spécifique. »
On voit l’ambivalence d’Orwell, à la fois tenté par le « distributisme » et conscient des difficultés de le mettre en œuvre.  Nous sommes alors en 1935. On est loin encore des positions qu’il émettra pendant la Seconde Guerre mondiale.

On trouve celles-ci exprimées dans un livre qui vient de paraître aux éditions Agone. Il s’agit d’un recueil des chroniques publiées par Orwell entre 1943 et 1947 dans l’hebdomadaire de gauche Tribune. Titré À ma guise, du nom de la rubrique d’Orwell, ce recueil est particulièrement bien fait. Il faut saluer, en effet, le travail de l’éditeur qui offre une édition soignée, accompagnée de notes, d’un index des noms cités et d’un petit glossaire orwellien des plus utiles. Encore une fois, il faut saluer la qualité de ce travail éditorial que l’on ne retrouve plus guère chez des éditeurs plus importants.
On regrettera d’autant plus la petite erreur qui s’est glissée au sujet de la « Weekly review », sujet qui touche directement à Chesterton. La notice qui est consacrée à cette revue stipule qu’elle a été fondée en 1911 et qu’elle a été dirigée notamment par Chesterton et Hilaire Belloc. Les choses en fait sont un peu plus compliquées.
L’organe de presse qui prend naissance en 1911 s’appelle « The Eye-Witness ». Il est fondé par Cecil Chesterton et Hilaire Belloc. En 1914, « The Eye-Witness » devient  « The New Witness », toujours avec Cecil Chesterton et Hilaire Belloc. À la mort de son frère Cecil, G.K. Chesterton accepte en 1918 d’en prendre la direction, une tâche pour laquelle il n’était manifestement pas fait. « The New Witness » continue d’exister sous ce titre jusqu’en 1924, année où sur pression amicale Chesterton accepte de le transformer en G.K.’s Weekly pour que le journal puisse bénéficier de sa notoriété. L’édition pilote date de la fin 1924 et le G.K’s Weekly démarre en 1925. Jusqu’en 1936, année de sa mort, Chesterton y consacre son temps et une grande partie de son argent. C’est aussi cette année-là, après la mort de Chesterton, que le journal se transforme en « Weekly review », et ce jusqu’en 1948, année de sa disparition. Chesterton n’a donc pas pu diriger la « Weekly review » comme l’affirme ce glossaire orwellien, même si celui-ci indique dans la notice consacrée à Chesterton lui-même que la revue a longtemps été appelée G.K.’s Weekly.


Ces chroniques d’Orwell, que j’avais pour ma part lues en anglais (enfin celles qui concernent Chesterton) confirment mes impressions sur l’incapacité radicale d’Orwell à saisir Chesterton, au-delà même des différences idéologiques. En faire le "chef de file du néo-pessimiste anglais " est littéralement  une ineptie et une affirmation qui ne tient pas la route. La vie même d’Orwell, selon les descriptions de Bernard Crick, est d’ailleurs à l’opposé de la joie profonde de Chesterton. Peut-être, au fond, que la différence profonde entre les deux hommes tient à des caractères complètement opposés sur lesquels se seraient greffées des oppositions d’idées.

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commentaires

M
Cher Monsieur,je tenais à vous remercier pour toutes les infaormations fournis par votre blog. Et vous encourage a poursuivre sur cette voie de qualitée.Moi aussi jai un blog:http://catholiquedetraditionaangers.over-blog.com/J'ai besoin de le faire connaître.pourriez vous en parler sur votre blog?D'avance merci
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