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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 14:21
Nous reprenons notre présentation chronologique des œuvres de Chesterton, en abordant – hasard des dates – l’année 1909. Cette année-là, Chesterton publie trois nouveaux livres dont un seul est actuellement et intégralement traduit en français. En 1909, le public Britannique peut donc découvrir :
George Bernard Shaw.
Tremendous Trifles.
The Ball and the Cross, ce dernier étant traduit en français sous le titre, La Sphère et la Croix. Nous reviendrons, bien sûr, longuement sur cet important roman dans l’œuvre de Chesterton. [correction : ce dernir livre date de 1910. cf. ICI]

Shaw et Chesterton étaient amis et pourtant ils ne partageaient pas la même philosophie. Nous l’avons vu en évoquant Hérétiques (Ici, là, là encore et là enfin) et Orthodoxie (ici, ici aussi, ici toujours, , là encore, là également, fin). Chesterton n’a pas ménagé l’œuvre de Shaw, la critiquant en la passant au crible d’une philosophie traditionnelle, ancrée dans le christianisme.
Le livre est publié en 1909 à Londres par John Lane Company et un an après à New York.
Cet essai comprend sept chapitres :

Ch. 1: The Problem of a Preface
Ch. 2: The Irishman
Ch. 3: The Puritan
Ch. 4: The Progressive
Ch. 5: The Critic
Ch. 6: The Dramatist
Ch. 7: The Philosopher

Mais c’est surtout l’introduction à la première édition qui retient d’emblée le lecteur. Très courte – deux phrases – elle résume parfaitement la vision de Chesterton sur Shaw. Que dit cette introduction ? Ceci :
« La plupart des personnes disent qu'elles sont d'accords avec Bernard Shaw ou qu'elles ne le comprennent pas. Je suis la seule personne qui le comprend, et qui ne suis pas d'accord avec lui. »
Dans ce livre, Chesterton consacre un chapitre à chacune des facettes de George Bernard Shaw. S’il admire l’Irlandais, il critique, à des degrés divers, les autres facettes de l’écrivain. Il estime que Shaw est l’homme le plus sérieux de son époque.
Mais ce livre est aussi l’occasion pour Chesterton d’exposer sa propre vision des choses, et surtout son usage du paradoxe. Il estime, en effet, que la philosophie de Shaw est presque entièrement dénuée de paradoxes. Pour Chesterton, s’il y a des paradoxes dans l’œuvre de Shaw, ils sont faux. Un véritable paradoxe, selon lui, se trouve dans la célèbre phrase de l’évangile : c’est en perdant sa vie qu’on la sauve. En revanche, l’exemple type du faux paradoxe se trouve dans l’affirmation de Shaw « la règle d’or est qu’il n’y a pas de règle d’or ». Mais, qu’est-ce que le paradoxe pour Chesterton ?
C’est certainement dans ce livre qu’il en explique le mieux sa compréhension. Pour les Grecs souligne Chesterton, étymologiquement donc, le paradoxe signifie quelque chose qui est contre l’opinion reçue. Mais, précise-t-il, l’évolution des mots fait que ce terme et cette idée veulent davantage dire désormais. Le paradoxe signifie ainsi une idée exprimée sous une forme qui est verbalement contradictoire. On confond selon lui habituellement un oxymore et un paradoxe. En revanche, explique-t-il, si l’on considère comme paradoxe une vérité inhérente à une contradiction, dans ce sens l’œuvre de Shaw est dépourvue de paradoxes « D'ailleurs, précise G.K.C., il ne peut même pas comprendre un paradoxe. Et d’ailleurs le paradoxe est la seule chose au monde qu'il ne comprend pas ».
Les qualités de cet ouvrage ne manquent pas, et l’on se demande encore, alors que George Bernard Shaw a été l’une des plus grandes signatures britanniques de son temps, pourquoi l’essai de Chesterton n’a pas été traduit en français. S’il nous apprend beaucoup sur Shaw, il nous apprend aussi beaucoup sur Chesterton lui-même, sur sa conception du paradoxe notamment, qui est quand même une part importante de son œuvre.
Après la lecture de ce livre, Shaw lui-même aurait déclaré : « Ce livre est ce que tous attendait qu’il soit : un excellent travail littéraire ».

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