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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 16:55

 

 

Le Poéte et les fous 

 

 

 

Publié en 1929, le roman de Chesterton, The Poet and the Lunatics a connu une première traduction française par Jeanne Fournier-Pargoire publiée par Gallimard en 1933. Cette traduction sera rééditée à plusieurs reprises, notamment en 1975 et 1982.

Une nouvelle traduction, totalement inédite, vient de paraître aux éditions de L’Arbre vengeur, déjà éditeur du Jardin enfumé (paru en 2007), un petit ensemble de nouvelles signées Chesterton.

Cette fois-ci, il s’agit d’un roman qui met en scène l’un des personnages les plus fascinants de l’univers chestertonien : Gabriel Gale, un jeune artiste peintre qui renverse la logique commune ou entendue du monde pour retrouver le sens profond de l’ordre de l’univers.

Cette nouvelle traduction est signée Catherine Delavallade qui n’en est pas à son coup d’essai puisqu’elle a déjà traduit, par exemple, Dickens (l’un des auteurs préférés de Chesterton) pour les mêmes éditions.

Nous venons de recevoir ce nouveau Chesterton et nous reviendrons sur ce livre et sa traduction prochainement après l’avoir lu attentivement. Dans cette nouvelle édition, il s’intitule Le Poète et les fous. D’un format de poche, il comprend 300 pages pour un prix de 15€. 

En attendant, voici la présentation de l'éditeur sur son site (à visiter) : 

 

Après avoir enfumé le jardin de l’Arbre vengeur il y a quelques années, Chesterton revient planter quelques uns de ses plus beaux excentriques dans notre catalogue qui n’en manque pas grâce à la nouvelle traduction de ce qui nous semble l’un de ses beaux livres : Le poète et les fous. Revisité par Catherine Delavallade qui avait traduit pour nous des textes inédits de Charles Dickens, ce roman qui enchasse une suite d’aventures du dénommé Gabriel Gale, enquêteur-rêveur à la poursuite de l’amour et de la vérité que recèle chaque folie, renaîtra le 15 septembre sous une couverture signée Laurent Bourlaud.

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10 septembre 2011 6 10 /09 /septembre /2011 14:31

 

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Nous publions aujourd’hui un article de Chesterton, paru à l’origine dans le Daily News, puis dans le recueil (non traduit en français) Tremendous Trifles (1909). Il s’agit de l’un des articles nés des excursions de l’écrivain en France, en Allemagne et en Belgique.

Le 1er janvier 1931, La Revue belge en publia une traduction française réalisée par Jeanne Fournier-Pargoire et c’est celle-ci que l’on va lire ci-dessous.

Publiée à Bruxelles, La Revue belge paraissait tous les 15 jours et offrait principalement des textes littéraires d’auteurs francophones. Elle était dirigée par Pierre Goemaere (1894-1975) et Paul Tschoffen 1878-1961) et comprenait aussi un impressionnant comité de parrainage.

Revue catholique d’intérêt général, très francophile, La Revue belge fut fondée le 1er janvier 1924 par Joseph Goemere et cessa sa parution en 1940 (avec le numéro du 1er mai 1940) en raison de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, on retrouve Pierre Goemaere gérant de La Revue générale belge, fusion en 1945 de La Revue générale et de La Revue belge. De son côté, Paul Tschoffen, membre du Parti catholique, prit part à la vie politique de son pays et fut même ministre du travail, de l’industrie et des affaires sociales de 1924 à 1925 puis des colonies (en 1929, puis en 1932-1934). Bien qu’il ne s’occupait pas de la revue pendant sa présence au gouvernement, Paul Tschoffen travaillait en étroite collaboration avec Pierre Goemaere. Il démissionna cependant officiellement de la revue le 6 mars 1936, officiellement parce que sa direction n’est plus que nominale, en réalité, en raison d’un désaccord politique avec Pierre Goemaere.

En fondant cette revue, Joseph Goemere avait déclaré : « Depuis longtemps j’avais caressé l’espérance de doter mon pays d’une grande revue de quinzaine. Les grandes revues françaises, anglaises, italiennes paraissent tous les quinze jours. L’éditeur, en moi, était humilié de nous voir maintenus dans une situation d’infériorité vis-à-vis de l’étranger. » (source : L'aventure flamande de la Revue belge: langues, littératures et cultures dans l’entre-deux guerres, de Reine Meylaerts, éditions P.I.E., Peter Lang, 2004).

Ayant un fondateur qui regardait au-delà des frontières bleges, on ne s’étonnera pas de trouver dans cette revue un texte d’un écrivain anglais. 

 

 

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9 septembre 2011 5 09 /09 /septembre /2011 16:43

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Le journaliste et essayiste Gérard Leclerc vient de publier un recueil de ses chroniques à Radio Notre-Dame sous le titre : Abécédaire du temps présent, chroniques de la modernité ambiante.

Nous avions le souvenir qu’il en avait consacré une à G.K. Chesterton lors de la première table-ronde que nous avions organisée au Collège des Bernardins. C’est donc avec une certaine curiosité que nous avons voulu vérifier si Gérard Leclerc avait conservé cette chronique dans son abécédaire.

Banco ! Chesterton est bien présent et la lecture de cette chronique que nous avions entendue nous a montré combien Gérard Leclerc, qui ne se « revendique que d’être un lecteur de base de Chesterton, tout à fait naïf », était allé au cœur d’une dimension essentielle de l’écrivain anglais. Voici, en effet, ce qu’il écrit :

 

Chesterton nous ouvre à une dimension inédite de la pensée, de l’art et de la littérature qui est celle de l’humour. L’humour associé au fantastique, parce que l’humour ne serait jamais apparu à la surface de la terre s’il n’avait eu cette mission révélatrice de faire émerger ce qu’il y a d’étonnant, d’incroyablement lumineux ici-bas. Grâce au ciel, nous avons l’incomparable Chesterton pour nous tirer de notre sérieux funèbre et accéder à ce que nous sommes profondément qui ne peut être saisi que dans le sourire illuminant la Création.

 

On ne saurait mieux dire…

 

Il faut évidemment lire le reste de cette chronique ainsi que les autres qui sont rassemblées, au rythme de l’alphabet, dans ce livre. Leclerc, chroniqueur profondément honnête, cultivé et ouvert, a le talent de provoquer notre intelligence, même quand nous ne partageons pas toutes ses analyses.

bayard

 

Sur Chesterton, Gérard Leclerc nous apprend aussi autre chose :

« C’est enfant que je lus la première fois l’écrivain, dans les colonnes d’un journal pour enfant qui s’appelait Bayard (…). Les aventures du père Brown, détective du bon Dieu, s’adressaient à nous, public enfantin, qui les lisions avec passion. »

 

En cette année où nous allons consacrer notre table-ronde annuelle au centenaire du Father Brown (au centre Bernanos) ce détail historique sur la publication des histoires du prêtre-détective dans Bayard est un renseignement utile. Et nous donnes l’occasion de lancer un appel : qui pourrait nous en dire plus ? 

 


 

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8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 07:05

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Une génération plus puritaine que la nôtre s’opposa, dans mon enfance, à l’installation d’une statue d’une Vierge portant l’Enfant dans l’église de ma paroisse.

Après beaucoup de discussions, les fidèles se mirent d’accord sur la suppression de l’Enfant. Cela aggravait, semble-t-il, le caractère mariolâtrique de la statue, mais peut-être jugèrent-ils que, privée de ce qu’ils considéraient sans doute comme une arme, la mère était moins dangereuse.

L’incident est symbolique. Si vous enlevez la statue de la mère, comment laisser le nouveau-né ? Vous ne pouvez pas voir l’enfant sans voir sa mère. Dans la vie courante, vous n’approchez l’enfant que par sa mère. Si nous pensons à l’enfance du Christ, l’idée de sa mère suivra comme elle a suivi dans l’histoire.

Chesterton, L’Homme éternel

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7 septembre 2011 3 07 /09 /septembre /2011 06:58

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C’est officiel ! La troisième Table-Ronde consacrée à G.K. Chesterton aura lieu cette année, le mardi 11 octobre, au Centre Georges Bernanos, 4 rue du Havre, 75009 Paris, de 19h00 à 21h30. Nous célébrerons cette année le centenaire du Father Brown. Lancé sur la scène publique en 1910, le premier recueil des histoires du Father Brown fut publié en 1911. Un centenaire à ne pas manquer.

Cette Table-Ronde est organisée grâce à la générosité du Chesterton Institute qui se dépense sans compter pour faire connaître et étudier l’œuvre de l’écrivain anglais. La modeste association française des Amis de Chesterton y apporte son concours comme elle l’a déjà fait en 2009 lors de la première table-ronde qui eut lieu dans le prestigieux décor du Collège des Bernardins puis dans lors de la seconde rencontre qui se déroulait cette fois-ci à l’Institut catholique de Paris. Cette année, c'est donc dans le cadre du Centre Bernanos, écrivain qui ne manque d'ailleurs pas de proximité avec Chesterton. 

Merci de noter et de retenir cette date. Nous vous attendons nombreux. 

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6 septembre 2011 2 06 /09 /septembre /2011 06:06

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Fâché avec les dates, évitant au maximum les sources et les archives, Chesterton n’aurait certainement pas fait un bon « chartiste ». Mais ainsi vont les choses. En mai dernier, il s’est retrouvé convoqué pour l’épreuve de version anglaise au concours d’entrée de l’École nationale des Chartes, en section A. Notre gros bonhomme d’écrivain devait plancher entre 13h00 et 16h00. À traduire, ce jour-là, en effet, un extrait des Father Brown Stories – et sans dictionnaire !

L’extrait proposé est le début d’une histoire intitulée : « The Queer Feet ». Elle se trouve dans le premier volume publié des histoires du father Brown : The Innocence of Father Brown. Voici l’extrait en question :

 

If you meet a member of that select club, "The Twelve True Fishermen," entering the Vernon Hotel for the annual club dinner, you will observe, as he takes off his overcoat, that his evening coat is green and not black. If (supposing that you have the star-defying audacity to address such a being) you ask him why, he will probably answer that he does it to avoid being mistaken for a waiter.  You will then retire crushed.  But you will leave behind you a mystery as yet unsolved and a tale worth telling.

 

If (to pursue the same vein of improbable conjecture) you were to meet a mild, hard-working little priest, named Father Brown, and were to ask him what he thought was the most singular luck of his life, he would probably reply that upon the whole his best stroke was at the Vernon Hotel, where he had averted a crime and, perhaps, saved a soul, merely by listening to a few footsteps in a passage. He is perhaps a little proud of this wild and wonderful guess of his, and it is possible that he might refer to it. But since it is immeasurably unlikely that you will ever rise high enough in the social world to find "The Twelve True Fishermen," or that you will ever sink low enough among slums and criminals to find Father Brown, I fear you will never hear the story at all unless you hear it from me.  The Vernon Hotel at which The Twelve True Fishermen held their annual dinners was an institution such as can only exist in an oligarchical society which has almost gone mad on good manners. It was that topsy-turvy product--an "exclusive" commercial enterprise. That is, it was a thing which paid not by attracting people, but actually by turning people away.  In the heart of a plutocracy tradesmen become cunning enough to be more fastidious than their customers. They positively create difficulties so that their wealthy and weary clients may spend money and diplomacy in overcoming them.

 

 

N’étant pas élève à l’École des Chartes, je me garderai bien de proposer une traduction personnelle de ce passage. Voici donc celle d’Émile Cammaerts que l’on trouve dans le recueil La Clairvoyance du Père Brown ainsi que dans le récent volume Omnibus : Les Enquêtes du Père Brown :

 

 

Les pas étranges

 

Si vous rencontrez un jour un membre du club des « Douze Vrais Pêcheurs », entrant au Vernon Hotel pour assister au dîner annuel de cette assemblée select, vous remarquerez, lorsqu'il enlèvera son pardessus, qu'il porte un habit vert. A supposer que vous ayez la stupéfiante audace d'adresser la parole à ce demi‑dieu, et que vous lui demandiez pourquoi il a adopté cette couleur, il vous répondra probablement que c'est afin de ne pas être pris pour un garçon de café. Vous vous retirerez confus. Mais vous passerez à côté d'un mystère digne d'être éclairci et d'une histoire digne d'être contée.

 

Si (pour ne pas quitter cette veine d'invraisemblables conjectures) vous deviez rencontrer un jour un doux petit prêtre, plein de zèle, répondant au nom de Père Brown, et si vous lui demandiez ce qu'il considère comme le plus heureux hasard de sa vie, il vous répondrait, sans doute, que la chance ne lui fut jamais aussi propice qu'un certain jour, au Vernon Hotel, où il put prévenir un crime et sauver une âme rien qu'en guettant un bruit de pas dans un corridor. Peut‑être s'enorgueillira‑t‑il quelque peu de la merveilleuse et invraisemblable divination dont il fit preuve à cette occasion, et peut‑être vous en donnera‑t‑il l'explication. Mais, comme il est peu probable que vous vous éleviez jamais assez haut dans l'échelle sociale pour découvrir le club des « Douze Vrais Pêcheurs », ou que vous descendiez assez bas, parmi les ruelles peuplées de criminels, pour rencontrer le Père Brown, il est à craindre que vous n'entendiez jamais conter cette histoire, à moins que vous ne me permettiez de le faire à présent.

 

L'hôtel Vernon, où les « Douze Vrais Pêcheurs » célébraient leur dîner annuel, était une de ces institutions qui ne peuvent exister que dans une société oligarchique affolée d'élégance. Elle en était même un curieux produit ‑ une sorte d'entreprise « fermée ». Autrement dit, une entreprise devenue fructueuse non pas en attirant le public, mais en l'écartant. Au sein d'une ploutocratie, les commerçants sont assez malins pour se montrer plus délicats que leurs consommateurs euxmêmes. Ils s'ingénient à créer des difficultés que leur clientèle riche et blasée ne peut surmonter qu'à force d'argent et de diplomatie.

 

 

 

Il semble que dans l'ensemble les étudiants ont obtenu des résultats honorables. Espérons qu'ils auront trouvé un peu l'envie d'aller plus loin et de lire le reste de (des) histoire(s).  Un grand merci en tous les cas à F.G.

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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 08:59

Suite et fin du poème de Chesterton consacré à la bataille de Lépante et dont la première partie a été publiée ici.

 

 

Saint Michel est sur le Mont, aux routes marines du Nord,

(Don Juan d'Autriche a ceint son épée).

Où scintillent les mers grises, où court le flot hâtif,

Où les gens de mer peinent en hissant leurs voiles rousses,

Il secoue sa lance de fer et bat de ses ailes de Pierre :

Le bruit a traversé la Normandie, le bruit s'en est allé seul ;

Le Nord est plein de choses compliquées et de textes qui font mal aux yeux,

Et toute naïveté de colère et de surprise est morte ;

Un chrétien tue un chrétien dans une chambre étroite et poussiéreuse

Et le chrétien a peur du Christ et de son nouveau visage de fatalité,

Et le chrétien hait Marie que Dieu baisa en Galilée,

Mais Don Juan d'Autriche a chevauché vers la mer.

Don Juan qui appelle à travers la rafale et l'éclipse,

Clamant de sa trompette, de la trompette de ses lèvres,

Sa trompette qui dit ha !

Domino Gloria !

Don Juan d'Autriche a crié vers les vaisseaux.

 

Le roi Philippe est dans son cabinet, la Toison d'Or au cou ;

(Don Juan d'Autriche est paré sur le pont.)

Les murs sont tendus de velours noir et doux comme le péché,

Et de petits nains entrent et sortent en rampant.

Il tient une fiole de cristal dont les couleurs ressemblent à la lune.

Il la touche, elle frémit, et bientôt le voilà qui tremble,

Et son visage est comme un chancre de lèpre, blanc et gris,

Comme les plantes dans les hautes maisons fermées au jour,

Et la mort est dans la fiole, et la fin de toute œuvre noble.

Mais Don Juan d'Autriche a fait feu sur les Turcs.

Don Juan est à la chasse et ses chiens ont donné de la voix.

Le bruit de sa chasse a grondé à travers l'Italie

Canon après canon, ha, ha !

Canon après canon, hourra !

Don Juan d'Autriche

A lâché sa bordée.

 

Le pape était sans sa chapelle avant le jour et la bataille,

(Don Juan d'Autriche a disparu dans la fumée.)

La chambre dérobée dans la maison de l'homme où Dieu attend toute l'année.

La fenêtre secrète d'où le monde paraît si petit et précieux ;

Il voit comme en un miroir, sur la monstrueuse mer crépusculaire,

Les croissants de ces cruels vaisseaux dont le nom est mystère,

Ils jettent de grandes ombres vers l'ennemi, enténébrant la Croix et le Château ;

Ils masquent les lions empanachés sur les galères de Saint‑Marc ;

Et sur les vaisseaux sont les châteaux des chefs bruns, aux barbes noires,

Et au fond des vaisseaux sont les prisons où dans de multiples peines,

Des captifs chrétiens, malades et sans soleil, toute une race de forçats languit

Comme un peuple dans les villes englouties, comme une nation dans les mines.

Ils sont enfouis comme ces esclaves qui suaient, tandis que dans le ciel matinal

S'échelonnaient les dieux géants, quand la tyrannie était jeune.

Ils sont sans nombre, sans voix, sans espoir, comme ceux qui tombent ou qui fuient

Devant les chevaux des grands rois, dans le granit de Babylone.

Et plus d'un a perdu l'esprit dans sa morme cellule infernale

Où l'épie une face jaune à travers la grille de sa geôle,

Et il a oublié son Dieu, et il n'attend plus un signe…

(Mais Don Juan d'Autriche a rompu la ligne de combat !)

Don Juan tonnant du haut de la poupe aux couleurs de meurtre,

Rougissant l'océan comme la felouque sanglante d'un pirate.

Inondant de pourpre les argents et les ors,

Brisant les haches, faisant sauter les chaînes

Et voici affluer des milliers d'hommes qui peinaient sous la mer,

Blêmes de bonheur, aveuglés de soleil, saoulés de liberté.

 

Vivat Hispania !

Domini Gloria !

Don Juan d'Autriche

A délivré son peuple

 

Cervantès sur sa galère a remis l'épée au fourreau,

(Don Juan d'Autriche s'en revient couronné de lauriers.)

Il voit à travers une terre lasse une lente route d'Espagne

Où un chevalier maigre et fol à jamais chevauche en vain,

Et il sourit, mais pas à la façon des Sultans, et il rengaine sa lame.

(Mais Don Juan d'Autriche est revenu de la Croisade.)

 

1915

(Traduction E.-M. Denis-Graterolle)

 

 

Voici ce poème dit dans sa version originale anglaise : 

 

 



 

 

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4 septembre 2011 7 04 /09 /septembre /2011 11:46

Pour cette rentrée, nous avons décidé de commencer en poésie, en publiant à partir d’aujourd’hui le grand poème épique de Chesterton, Lepanto qui nous a été demandé par plusieurs lecteurs. La bataille de Lépante se déroula le 7 octobre 1571 et opposa la flotte chrétienne conduite par Don Juan d’Autriche, sous le nom de « Sainte Ligue » à la flotte ottomane, placée sous le commandement du Kapudan Pacha Ali Pacha Moezzin. La bataille s’acheva par les victoire des chrétiens sur les Ottomans.

Dans son long poème, Chesterton fait allusion à l’absence de l’Angleterre et de la France (laquelle était alliée des Ottomans). Il nomme aussi Cervantès, le célèbre auteur de Don Quichotte qui participa à cette bataille et y perdit sa main gauche.

Par ailleurs, en action de grâces pour cette victoire, le pape saint Pie V institua une fête annuelle sous le titre de Sainte Marie de la Victoire que le pape Grégoire XII changea en fête de Notre-Dame-du-Rosaire. Elle est célébrée le 7 octobre. 

 

 

 

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LÉPANTE

 

De blancs jets d'eau retombent dans les cours du soleil,

Et le sultan de Byzance a souri à leur rumeur ;

Un rire semblable aux jets d'eau, sur cette face redoutée,

Secoue la forêt sombre, la forêt de sa barbe,

Et tord le croissant rouge sang, le croissant de ses lèvres,

Car la mer au milieu des terres est ébranlée par ses vaisseaux.

Ils ont défié les blanches républiques sur les caps d'Italie,

Ils ont fouetté l'Adriatique autour du Lion de la mer ;

Le pape a rejeté ses armes de désespoir et de deuil,

Il appelle autour de la Croix les rois chrétiens et leurs épées.

La froide reine d'Angleterre contemple son miroir

L'ombre des Valois bâille à la messe ;

Aux îles fantastiques du couchant résonne faiblement le canon espagnol,

Et le Seigneur de la Corne d'Or rit dans le soleil.

 

 

Un bruit sourd de tambours, à peine on l'entend au creux des collines

Où sur un trône sans nom s'émeut seul un prince sans couronne,

Où, se levant de sa place douteuse, de son siège à demi honteux,

Le dernier chevalier d'Europe a pris au mur ses armes,

Le dernier troubadour attardé pour qui chanta l'oiseau

Qui jadis vers le Sud allait chantant, quand le monde était jeune.

Dans cet énorme silence, menu et sans peur,

Monte aux détours d'un chemin le bruit de la croisade :

L'appel fort des gongs et le grondement lointain des canons.

Don Juan d'Autriche part en guerre,

Ses raides étendards étalant sous les froides rafales nocturnes

Leurs noirs violets dans l'ombre, dans les lumières leur vieil or,

Et les torches rougissent le cuivre des timbales,

Puis les buccins, puis les trompettes, puis les canons, et le voici :

Don Juan rit dans sa belle barbe frisée,

Poussant du pied ses étriers comme il fait des trônes de la terre,

Dressant sa tête comme l'étendard des hommes libres

Lumière d'amour de l'Espagne, hourra !

Lumière de mort de l'Afrique

Don Juan d'Autriche

A chevauché vers la mer.

 

 

Mahound est en son paradis, plus haut que l'étoile du soir.

(Don Juan d'Autriche part en guerre.)

Son turban souverain s'agite aux genoux des houris éternelles,

Son turban où sont tissés les couchants et les mers.

Il fait trembler le jardin plein de paons en se levant de sa couche,

Il marche à grands pas sur les arbres, et il est plus grand que les arbres,

Et sa voix à travers le jardin est un tonnerre qui va faire lever

Le noir Azraël et Ariel et Ammon,

Les Géants et les Génies,

Myriades d'ailes et d'yeux,

Dont la forte obéissance brisa les cieux

Quand Salomon était roi.

 

 

Roux et pourprés, ils surgissent des nuages roux du matin,

Du fond des temples où les dieux jaunes ferment les yeux de mépris

En robes vertes et rugissants, ils se dressent au creux vert des vagues

Où sont des cieux écroulés et des couleurs mauvaises et des êtres sans yeux ;

Sur eux se resserrent les valves de la mer, et les forêts grises de la mer s'enroulent,

Tachées d'un mal splendide, la maladie de la perle ;

Ils s'enflent en fumée de saphir sortant des crevasses bleues du sol,

Ils s'assemblent et s'émerveillent et se prosternent devant Mahound,

Et il dit « Brisez les montagnes où se cachent les ermites,

Et criblez le sable roux et argenté de peur que n'y demeure un os de saint ;

Pourchassez les Giaours nuit et jour fuyant, sans leur laisser de trêve,

Car notre angoisse de jadis revient encore du couchant.

Nous avons posé le sceau de Salomon sur tout ce qui sous le soleil

Est savoir et douleur et patience des choses accomplies,

Mais un bruit court dans les montagnes, dans les montagnes je reconnais

La voix qui fit trembler nos palais voici quatre siècles

C'est celui qui ne dit pas « Kismet », qui ne connaît point la Fatalité,

C'est Richard, c'est Raymond, c'est Godefroy dans la porte !

C'est celui que la mort fait rire quand le jeu en vaut la chandelle.

Posez sur lui vos pieds, et que notre paix soit sur la terre. »

Car il entendait gronder les tambours et grincer les fusils,

(Don Juan d'Autriche part en guerre.)

Prompt et calme – hourrah !

Bondissant d'Ibérie !

Don Juan d'Autriche

A passé par Alcalar.

 

 

(À suivre)…


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14 juin 2011 2 14 /06 /juin /2011 17:30

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Il y a soixante-quinze ans, le 14 juin 1936, décédait G.K. Chesterton. Sur ce blog, nous avons déjà consacré plusieurs posts à la couverture de cet événement par la presse quotidienne de l’époque, du Figaro à l’Humanité en passant par La Croix.

Voici l’information telle qu’elle fut annoncée dans les colonnes du Temps (en gros l'équivalent du Monde d'aujourd'hui), dans son numéro du mardi 16 juin 1936 (n° 27313).

 

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On remarquera la petite erreur concernant la date de sa conversion au catholicisme. Ce n'est pas pendant la guerre (la Première Guerre mondiale) que Chesterton se convertit, mais aux lendemains de celle-ci, en 1922 exactement. 

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13 juin 2011 1 13 /06 /juin /2011 10:40

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Le volume 36 des Collected Works of Chesterton vient de paraître chez Ignatius Press. Il est consacré aux articles de Chesterton publiés dans The Illustrated London News pendant les années 1932-1934.

Il regroupe au total cent-cinquante sept articles, allant du 2 janvier 1932 jusqu’au 29 décembre 1934. À son habitude, Chesterton aborde aussi bien l’actualité politique (notamment la montée du nazisme) que des questions de littérature ou propose des réflexions sur les travers de l’époque. Pour bien saisir la variété des thèmes abordés, le mieux est certainement de reproduire la riche table des matières : 

 

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Le parcours de l’index des noms en fin de volume démontre s’il en était besoin l’extraordinaire culture de cet homme, capable aussi bien de faire référence à des écrivains de son pays qu’à des auteurs ou des journalistes français, (Chateaubriand, Alphonse Bertillon, Bossuet, Hugo par exemple) ou à des hommes politiques, des militaires ou des philosophes. En voici juste deux aperçus : 

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D’un article à l’autre, Chesterton semble se promener aussi à l’aise dans l’histoire que dans son époque, devisant aussi tranquillement avec saint Thomas d’Aquin qu’avec Ghandi. Il est évidemment impossible de donner ne serait-ce qu’un bref aperçu de l’ensemble des articles rassemblés dans ce volume. En revanche, on peut prendre le parti de lire certains articles réunis par un même thème.

Historiquement, il est ainsi intéressant de plonger dans les articles consacrés à Hitler, au moment même où son mouvement émerge en Allemagne et où il va accéder au pouvoir. Loin de la caricature faisant de Chesterton un fourrier du nazisme, vision ultra-simpliste affectée par certains milieux, on le voit dénoncer la folie nazie en faisant ressortir les contradictions de ce nationalisme qui ne trouve, par exemple, d’autres insignes qu’un symbole bouddhiste. Il voit très clairement dans le nazisme un paganisme qui vise à détroner le christianisme pour le remplacer par la force de Thor ou d'Odin. Et il réaffirme qu’il n’est pas antisémite contrairement à « Herr Hitler ». Sa critique du nazisme allemand se situe dans la droite ligne des positions qu'il avait adoptées pendant la Première Guerre mondiale en dénonçant la « Barbarie de Berlin » (et ICI et ). Elle est amplifiée ici parce qu'à ses yeux le nazisme ne reprend pas seulement les vieux démons allemands, mais y associe une philosophie orientale que symbolise selon lui la swastika. Cette croix gammée, qui tourne sur elle-même, dans un mouvement circulaire, rappelle ce que Chesterton écrivait dès 1908 dans Orthodoxie

« De même que nous avons choisi le cercle pour symboliser la raison et la folie, de même nous pouvons choisir la croix pour symboliser simultanément le mystère et la santé. Le bouddhisme est centripète, le christianisme est centrifuge : il éclate. Car le cercle est parfait et infini de par sa nature ; cependant il est à jamais limité par sa dimension ; il ne peut être ni plus grand ni plus petit. La croix présente en son centre une collision et une contradiction, mais elle peut étendre à l’infini ses quatre bras sans que jamais sa forme s’en trouve altérée. C’est parce qu’elle présente cette contradiction en son centre qu’elle peut grandir sans changer de caractère. Le cercle se referme sur lui-même. Il est limité. La croix ouvre ses bras aux quatre vents, signal de route aux voyageurs libres. ».

Malgré ses succès, le nazisme contient cette part de folie qui se referme sur elle-même comme le pressent Chesterton sans imaginer que cette folie ira jusqu'aux camps de concentration. À l'égard des Juifs, il convient de rappeler sa position paradoxale que l'on retrouve dans plusieurs articles contenus dans ce nouveau volume. Si, comme nombre de ses contemporains, il identifie la présence de certains Juifs dans le monde des affaires et de la politique à une présence globale du judaïsme dans la société anglaise, il défend, en revanche, la position sioniste qui sera adoptée après guerre avec la création de l'État d'Israël et qu'il a déjà exprimé dans La Nouvelle Jérusalem (et ICI et ). 

 Avec plus de 600 pages, le volume 36 des des Collected Works of Chesterton se révèle à la fois comme volume très riche, composé uniquement d’inédits pour le public français, mais aussi comme une source documentaire pour saisir la position chestertonienne face aux événements d'une période particulièrement troublée.  

L'éditeur propose ce volume 36 en trois versions : 

– Une version cartonnée;

– Une version reliée;

– Une version électronique pour prc – kindle epub - nook, ipad.

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